Brûler les fleurs

Brûler les fleurs

Ce projet est né lors de ma résidence à l’Académie des beaux-arts de Paris, en collaboration avec la Cité Internationale des Arts. J’y ai exploré l’iconographie conservée dans la bibliothèque historique du CIRAD, où se déploie toute une histoire de l’industrialisation des plantes. Ces documents, souvent précis et méthodiques, racontent le prélèvement, l’acclimatation et la transformation des espèces végétales au service d’objectifs économiques.

Derrière ces images de contrôle et d’ordre, on devine pourtant d’autres présences : des gestes, des mains, des regards. Ces « invisibles » ne figurent pas dans les textes officiels, mais leur empreinte est là, discrète et persistante. Les dessiner, c’est leur redonner une place dans le récit — et interroger un mot trop souvent admis sans débat : le « progrès ». Qui le définit ? Qui en tire profit ? Qui en supporte les conséquences ?

Mes dessins, au graphite et sur calque, mêlent figures issues de l’histoire de l’art, motifs végétaux, fragments de paysages et corps fragmentés. Ils empruntent autant à la mythologie qu’aux planches botaniques, superposant, masquant ou déchirant les images pour les réécrire. Ce travail s’inscrit dans une réflexion plus large sur les rapports de domination — historiques, économiques ou symboliques — qui façonnent notre relation au vivant.

En arrière-plan, il y a ma propre histoire, marquée par des fractures familiales et la perte d’une langue. Ces échos intimes ne sont pas le sujet, mais ils nourrissent mon rapport au dessin : un outil pour troubler les récits établis et faire apparaître ce qui résiste, ce qui échappe.