Les Météores

Dessiner, c’est ouvrir la possibilité d’habiter ce qu’il reste des récits lorsque ceux-ci s’effondrent. Ce projet ne cherche pas à reconstruire ce qui a été perdu, ni à reproduire ce qui est clos. Il s’agit au contraire d’explorer l’espace laissé vacant par les histoires que l’on croyait immuables.

Les dessins présentés ici sont autant de fragments de paysages, de visages et de corps traversés par l’effondrement des fictions intimes. Ils ne se contentent pas de témoigner d’une chute ; ils en proposent une cartographie active. Ce sont des relevés sensibles, des gestes de reconnaissance de ce qui subsiste au-delà des masques, des rôles et des illusions. Car souvent, le vide ne vient pas d’un manque réel, mais d’un empilement de simulacres : récit sur récit, masque sur masque, jusqu’à l’épuisement du vrai.
 
À la manière dont Frédérique Aït-Touati déconstruit les mécanismes d’illusion dans Théâtre du monde, ces dessins rendent visibles les dispositifs cachés qui structurent nos récits affectifs. Le calque, le collage, la rupture des lignes et les silences graphiques deviennent des moyens d’exposer les ressorts internes des scénographies émotionnelles.
 
Les figures – serpents, anges rebelles empruntés à Frans Floris – ne sont plus seulement des symboles, mais des intensités qui viennent perturber l’ordre établi des récits. Elles ouvrent des brèches par lesquelles émergent des dynamiques nouvelles, des lignes de fuite qui permettent de quitter l’impasse des répétitions toxiques.
 
L’acte de dessiner s’apparente ici à une traversée météorique : une expérience brève, incandescente, qui marque durablement. Chaque dessin, chaque trait, chaque effacement ou recomposition révèle non seulement l’écart entre la réalité et la fiction, mais aussi la force créatrice que cet écart libère.
 
Ces images ne livrent ni verdict, ni réparation. Elles proposent simplement d’habiter autrement ce que l’on croyait détruit. Elles transforment les ruines narratives en espaces de respiration, de mouvement, de vie retrouvée. Là où le langage se heurte à ses propres limites, le dessin prend le relais, indiquant des voies d’échappée possibles.
 
Ainsi, Les Météores ne sont pas une conclusion, mais une ouverture. Un appel à investir ce qui reste lorsque tout a été dit, à tracer des lignes nouvelles au cœur même de l’effondrement.